Narcisse

Vincennes,

J’l’ai rencontré l’autre soir
Comme ça, bêtement par hasard.
L’avait une gueule hilare
Et m’a dit : »eh ben ! bonsoir »
- t’en fais une drôle de bobine
- c’est-y à cause d’une copine ?
- où ben d’une sale combine ?
- Allez, bois à ma chopine.
- Moi, tu vois je suis quelqu’un
- J’ai même de l’instruction,
- Veux-tu que l’on soit copain ?
- J’ai de hautes relations.
- Mozart, c’est un pote à moi
- J’ai l’âme d’un musicien.
- Tiens j’ai même joué pour le roi
- J’avais de l’or plein les mains.
- Tu sais, j’connais aussi un colonel,
- Parce que j’étais dans l’armée,
- La Diane sonne pour l’appel
- Ah ! c’était les belles années.
Nous étions assis sur un banc
Et malgré moi, je l’écoutais
Cet homme avec les cheveux blancs,
Intérieurement je l’enviais.
Soudain passe une demoiselle,
Taille fine, œil de velours.
- T’as vu un peu ce qu’elle est belle !
- C’est une gosse à gueule d’amour,
- Mademoiselle, je me présente
- Narcisse de la Morte-feuille,
- Vous êtes une fleur ravissante
- Acceptez que l’on vous cueille.
Etait-ce un illuminé ! ou un gnome !
Avais-je rêvé, je ne sais même plus.
Faut dire qu’en quittant ce bonhomme,
J’riais tout(e) seul(e) dans la rue.

FIN